Le roi Béhanzin, un résistant (1845-1906)

 

Le roi Béhanzin est, à l’instar de El Hadj Omar Tall et Samory Touré, l’un des plus grands résistants à l’invasion française en Afrique subsaharienne. Il est le dernier Roi du royaume libre, indépendant et résistant du Dahomey (actuel Bénin).

Il est mort en exil le 10 décembre 1906 à Blida, en Algérie, après une longue déportation en Martinique, dans l’indifférence totale de la France. Béhanzin fera néanmoins un retour posthume, en héros national, dans son Abomey natal .

Retour sur l’histoire d’un roi, à la fois fin stratège et chef de guerre, défendant uniquement la cause de son peuple et de son royaume que fut le Dahomey.

Kondo, le prince

Nous sommes dans le dernier quart du XIXe siècle, dans un royaume prospère de l’Afrique de l’ouest, qui a eu un passé très lourd avec la traite négrière. En effet, avec Gorée, le royaume de Dahomey a été l’une des plaques tournantes de l’esclavage avec la Porte du Non Retour où étaient acheminés des milliers d’esclaves venus des quatre coins de l’Afrique noire.

Le roi du Dahomey d’alors se nommait Glèlè. Il était fort apprécié de sa cour royale, de ses sujets, comme de son peuple. Glèlè a hérité, de son père Ghézo, d’un royaume économiquement prospère mais rongé par des crises et des guerres internes.

Il en a profité pour développer la culture du palmier à huile et l’agriculture en général, sur une grande échelle. Il le doit à sa diplomatie dont il a fortement usé, à son avantage, avec les marchands portugais et brésiliens.

Sentant le poids de l’âge et affaibli par les luttes internes et la pression de plus en plus constante des Français, il désigne l’un de ses fils, nommé Ahokponu, héritier du royaume de Dahomey sous le nom de Kondo.

C’est le début de l’histoire du futur roi du Dahomey, Béhanzin. En 1889, le roi Glèlè mène des razzias contre les concessions françaises et attaque le royaume Porto-Novo qui est sous protectorat français.

Quelque temps plus tard, le roi Glèlè tombe gravement malade et se trouve dans l’incapacité de régner. Le prince Kondo, à partir de ce moment, décide pour son père Glèlè.

L’une des premières décisions marquantes, à la veille son règne encore à son crépuscule, fut la contestation du traité conclu le 19 avril 1878 concernant l’attribution des droits de douane du port de Cotonou à la France. On reconnaît déjà le caractère du règne du futur roi : autoritaire, mais intelligent et réfléchi.

Le roi Béhanzin

Le 6 janvier 1890, le prince Kondo, âgé de 45 ans, succède à son père Da-Da (roi) Glèlè, Kini-Kini (Lion en fon, symbole de son règle), mort, quelques jours, plus tôt le 29 décembre 1889.

Il devient le 11ème roi du Dahomey et prend désormais le nom de Da-Da Béhanzin (Gbè hin azin).

Le royaume hérité par Béhanzin, géographiquement très bien situé, est le pionnier de la culture du palmier à huile. Le Dahomey attise désormais les convoitises des puissances coloniales présentes dans la sous-région, particulièrement celles de la France.

Le jeune roi de 45 ans entend préserver l’indépendance de son royaume tout en usant de la ruse et de l’intelligence. Dès lors, il fait monter les enchères et réussit à diviser l’Allemagne, la France et le Portugal. Plus téméraire et utilisant de la puissance de sa diplomatie, la France réussit à se débarrasser des deux autres puissances coloniales. Le Portugal et l’Allemagne étant désormais hors de course, La France a le chemin libre pour négocier, au mieux de ses intérêts, des accords militaires et commerciaux avec le roi Béhanzin.

Mais, très vite, le roi Béhanzin s’insurge contre plusieurs accords et met de plus en plus en rogne la France. Frustrée par le statu quo et un roi entêté qui réfute les négociations, la France fait éclater la guerre seulement deux ans après l’accession du roi au trône.  Cette guerre va durer deux ans, de 1892 à 1894, et va faire de nombreux morts, notamment les redoutables Amazones du Dahomey qui périront au front.

Le roi Béhanzin Kondo sera défait par le général français, Alfred-Amédée Dodds, après une âpre résistance, qui a également causé de nombreuses pertes humaines dans le camp français.

Le roi Béhanzin, un héros malgré tout

Durant plusieurs décennies, la colonisation a propagé une image négative du roi Béhanzin. Sa résistance était perçue comme un affront aux intérêts coloniaux français.

Après l’obtention de son baccalauréat en Algérie deux ans après la mort de son père, son fils Ouanilo, devenu avocat à Bordeaux, rapatriera son corps au Dahomey en 1928.

La véritable réhabilitation du roi Béhanzin commencera après l’indépendance du Bénin, en 1976, année durant laquelle il sera désormais reconnu en tant que héros national de l’ex-République de Dahomey, l’actuel Bénin.

A l’entrée de la ville d’Abomey, au milieu de la place Goho, trône désormais sa statue, avec une paume tendue et ferme qui semble dire « Non à l’occupation ! ».